Bien-être animal
Les Moutons : des êtres sentients, intelligents et sociables

Les Moutons : des êtres sentients, intelligents et sociables

Depuis notre enfance, les sociétés humaines nous ont poussé à croire que les moutons sont des choses sans intelligence à maltraiter et à tuer à notre guise.

Aujourd’hui, plusieurs découvertes en éthologies démontrent d’avantage que ces animaux ont des valeurs cognitives formidables.

La distinction et la perception des expressions faciales

Les visages ou les faces sont une source d’informations essentielle pour les espèces sociales, des primates jusqu’aux ongulés, comme nos animaux de rente. En observant la face d’un autre animal, les individus peuvent bien sûr savoir de qui il s’agit, mais également obtenir des informations sur son état émotionnel, sur la direction de son regard qui peut indiquer une ressource ou une menace, ou encore des informations liées à l’attraction sexuelle (Leopold et al, 2010).

Les moutons sont capables d’exprimer des émotions via leurs faces, et notamment via des changements de postures d’oreille (Boissy et al., 2011), des mouvements des yeux, de la bouche et des muscles des joues (McLennan et al., 2016). Et mieux encore, les brebis sont capables de différencier des expressions faciales variées, puisqu’elles montrent une préférence pour les images de faces de congénères prises dans des situations calmes (contre des situations stressantes).

Il est donc bien établi que les moutons sont capables de distinguer différentes émotions véhiculées par les faces de leurs congénères. Cependant, malgré ces étonnantes capacités en matière de perception des faces, peu d’études se sont penchées sur leurs conséquences pour le sujet lui-même. Par exemple, une expression faciale associée à une situation négative est-elle perçue comme négative également ? Et percevoir un état émotionnel négatif chez un congénère peut-il affecter l’état émotionnel de l’animal ? Se pourrait-il que l’état émotionnel positif ou négatif d’un seul individu puisse faire que l’ensemble du troupeau aille bien ou mal ?

Les travaux de l’éthologue Lucille Bellegarde ont apporté des solutions à ces questions. Pour la première fois, l’étude de cette éthologue a révélé que les brebis sont non seulement capables de distinguer différentes expressions faciales, mais aussi de percevoir la valence (c’est-à-dire associées à un état émotionnel positif, neutre ou négatif) des expressions. Grâce à ce projet, elle a  pu révéler les capacités étonnantes des brebis pour la perception des expressions faciales des émotions, et souligner l’importance des expressions faciales en tant que signaux sociaux chez les petits ruminants.

Une bonne organisation sociale

Les mâles et les femelles vivent la plupart du temps séparés. Les brebis se regroupent en un grand troupeau avec les jeunes, quant aux béliers ils restent isolés ou vivent en petites communautés. Ces derniers ont des organisations hiérarchiques très variables et présentent des liens d’amitié forts. À l’approche de la période de reproduction, ils se séparent pour s’accoupler avec le troupeau de brebis, ce qui peut créer des conflits entre les béliers concurrents. Néanmoins, les comportements d’affrontement chez les béliers sont assez complexes : ceux qui  se connaissent ne se battent pas comme ceux qui ne se connaissent pas, et on peut souvent repérer des comportements de réconciliation pendant, ou après les combats.

Pour l’éthologue Thelma Rowell, il est même possible que les combats entre les mâles ne consistent pas uniquement en une histoire de menaces et de soumissions, mais également à un spectacle de son et de lumière pour attirer les brebis, ce qui expliquerait pourquoi certains béliers adultes acceptent le combat avec de jeunes béliers moins forts.

Le choix de la direction dans laquelle un groupe va se diriger est généralement le lieu d’une subtile organisation démocratique où présideront divers indices corporels indiquant la direction que veulent suivre un ou plusieurs individus. Les autres moutons intéressés y répondront et une fois le recrutement complet, celui qui a reçu le plus de suffrages pourra entrainer le groupe dans la direction désirée. Le groupe de brebis, lui, est en général dirigé par la femelle la plus âgée, celle qui a donc le plus d’expérience. Les relations d’amitié sont fréquentes et les mères gardent un contact très proche avec leurs agnelles au moins jusqu’à ce que ces dernières aient également des petits.

Des valeurs cognitives étonnantes

Les moutons sont des animaux dotés de sens très performants, que ce soit la vue, l’odorat ou l’audition. Leur odorat est même tellement performant qu’il leur permet de discriminer différentes familles de plantes qu’ils sont capables de classer et d’utiliser dans un but thérapeutique, ce qu’ils apprennent soit en le découvrant d’eux-mêmes, soit par transmission familiale.

Les moutons peuvent mémoriser de nombreux visages (plus de cinquante visages d’autres moutons pendant au moins deux ans), ils peuvent distinguer différentes émotions, et ils peuvent également le faire avec les visages humains, ainsi que reconnaître les différents humains par de nombreux indices, vêtements, cheveux, visage, chapeau, etc. Ils ont une excellente aptitude à comprendre les règles d’un exercice et s’adaptent très rapidement à un renversement des règles, parfois même mieux que les primates.

Des études ont également mis à jour que les conditions dans lesquelles un individu a grandi auront une influence décisive sur son comportement à l’âge adulte. Des moutons ayant eu une enfance difficile auront une tendance au pessimisme très marquée, à être craintifs et peu aventureux.

Le Dr Keith Kendrick, neuroscientifique à l’institut de Cambridge ayant mené certaines de ces études, révèle que les recherches actuelles indiquent même que les moutons ont des capacités qui sont comparables de nombreuses façons à celles des humains. En rapport avec la mémoire des moutons, il annonce que « c’est un système mémoriel très sophistiqué. Ils montrent des capacités très similaires à celles des humains. Nous (humains) sommes capables d’une perception consciente des visages en utilisant le même système cérébral que celui présent chez le mouton. De ce fait, ça serait étonnant qu’ils ne soient pas capables d’avoir un certain niveau de conscience ». Dans une autre interview au Times, il ajoute que « les études montrent que les brebis tombent amoureuses des béliers, ont des meilleures amies et sont tristes quand l’un de leurs proches meurt ou est envoyé à l’abattoir. Ces découvertes pourraient avoir d’importantes implications sur la façon dont nous traitons les animaux de ferme ». La plupart des scientifiques qui ont travaillé avec des moutons s’accordent également sur leur aptitude quasi certaine à penser aux moutons qui sont absents.  

Références bibliographiques

Planet Vie (février 2019). Comment étudier la perception des émotions chez les brebis ?

– Association PEA (Pour l’Égalité Animale). Les moutons. https://www.asso-pea.ch/fr/pourquoi/ethologie/les-moutons/