La compassion : la base du bien-être des animaux, de la planète et de l’humanité

                             

La compassion (du latin : cum patior, « je souffre avec » et du grec sym patheia, sympathie) est un sentiment par lequel un individu est porté à percevoir ou ressentir la souffrance d’autrui et poussé à y remédier, par amour, morale ou éthique. Les termes « pitié » et « compassion » sont souvent utilisés comme synonymes, bien qu’il existe des différences qui font que la compassion peut être considérée comme une vertu et non un seul affect. La « miséricorde » ou « commisération » peut s’apparenter à la compassion avec une sémantique plus religieuse.

La compassion, la « sympathie naturelle pour les souffrances des autres », est une partie intégrante de la conscience. Elle s’étend spontanément à tous les êtres souffrants dont nous n’avons pas peur. C’est un sentiment inné en chacun de nous, tout comme l’horreur du sang et le sens de la justice. « Ces trois “réactions viscérales ” aux souffrances des autres sont nos instincts non-égoïstes, qui exigent que nous les respections et les cultivions ». C’est sur ces fondations que la raison a bâti la moralité, qui, elle, n’est pas un instinct. Bref, « les modèles éthiques sont inspirés par la compassion, mais formalisés par la raison». Celle-ci justifie les comportements que la compassion motive, mais ne peut pas justifier.

Ainsi, la compassion favorise naturellement le développement du bien-être animal, de la planète et de l’humanité par le respect des règles éthiques. De plus, le bonheur des animaux et la santé de la planète contribuent à notre prospérité et nous assurent un avenir radieux.

La majorité des hommes considèrent ceux qui sont compatissant(e)s ou sensibles comme des gens faibles. Au contraire, c’est de bonnes personnes qui ont choisi d’être des humains pour un monde meilleur. Face aux problèmes sanitaires, écologiques, socio-économiques,…qui menacent le monde, nous devons retrouver et réaliser notre humanité.

C’est pour cette raison que la compassion est l’une des missions de l’Organisation  Makpafanvá International pour un monde meilleur.

La compassion pour l’éthique animale et le bien-être des animaux

Aujourd’hui, plusieurs théories et recherches scientifiques ont prouvé la sentience et d’autres capacités exceptionnelles des animaux. Ces connaissances nous permettent d’avoir un regard positif sur les animaux, de comprendre les considérations éthiques qu’ils méritent et d’être favorables à leur bien-être par la compassion.

La sentience et la conscience des animaux

La définition du Larousse 2020 est largement inspirée de celle de Donald Broom, professeur en bien-être animal au Centre for Animal Welfare and Anthrozoology de Cambridge, dont l’intervention à l’Unesco lors du Colloque « Le bien-être animal de la science au droit » organisé en décembre 2015 par la LFDA, avait fait date. Pour D. Broom, un être sentient est capable « d’évaluer les actions des autres en relation avec les siennes et de tiers, de se souvenir de ses actions et de leurs conséquences, d’en évaluer les risques et les bénéfices, de ressentir des sentiments, d’avoir un degré variable de conscience ». Un être sentient ressent la douleur, le plaisir et diverses émotions. Il a la capacité d’éprouver des choses subjectivement et d’avoir des expériences vécues. Un être sentient est un être conscient. L’éthique animale part du constat que la sentience implique a minima la capacité d’éprouver douleur et plaisir. La sentience fait que ce qui arrive à un être sentient lui importe.

Le mot sentience, utilisé dès 1789 par Bentham, n’est apparu que récemment (dans les années 1980) dans le vocabulaire des scientifiques, avec la traduction beaucoup trop réductrice d’être sensible, qui fait perdre 75% du sens originel. La définition du mot sentience élargit le champ des compétences des animaux jusqu’à parler de leur conscience, du ressenti qu’ils ont de leurs émotions et d’une souffrance véritable.

En clair tout comme les animaux, nous sommes des êtres sentients, qui exprimons nos émotions selon la couleur de nos compétences sensorielles – l’humain peut être un grand bavard, comme l’est aussi un perroquet, un merle ou une pie. Alors que le chat sera sensible au monde des odeurs, à celui des subtilités de luminosité, tout comme la vache qui peut se braquer devant une flaque qui l’éblouit. Dans nos cerveaux, lorsque nous avons la chance d’être en bonne santé, les émotions jaillissent et nous construisent, les uns avec les autres, humains et animaux. Certains chats n’oublient jamais les traumatismes de l’abandon, comme certains chiens reconnaissent entre mille les odeurs des jumeaux de la famille où ils vivent, tout comme certains d’entre nous tressaillent de joie en entendant le timbre de la voix de leur chanteur préféré ou de l’amour de leur vie.

Tous les concepts de sentience et de bien-être ouvrent le champ de l’éthique et de la morale, à tous les animaux, notamment avec des comportements altruistes. Nous avons tous vu un animal porter assistance à un autre, de son espèce ou pas, gratuitement, par affection, témoignant d’abnégation, de solidarité, pour ne pas laisser un des siens sur le bord de la déroute. Les familles d’orques sont, par exemple, fort soudées et organisées; elles se relayent pour éduquer un juvénile. Les animaux ne sont certes pas dotés de nos capacités verbales, ce qui ne les empêche pas d’exprimer leurs émotions autrement. 0n peut s’interroger sur notre incapacité à les comprendre pleinement. Les oiseaux émettent des sons, souvent trop rapidement étiquetés de chants ce qui les réduit à une fonction exclusivement esthétique; encore trop incompréhensibles pour nous, ces « chants » sont certainement autant de messages à décoder dans les contextes précis dans lesquels ils sont émis. De la même façon, le monde des odeurs, dans lequel chiens et chats naviguent avec allégresse, a certainement ses codes, symboles et sa grammaire qui nous échappent, tout comme la signification des « chants » des baleines ou des échanges de bulles et de sons entre les dauphins, tous doués de sentience.

Les capacités cognitives de quelques animaux

  • Poules, perroquets, pigeons

Les poules sont douées d’une grande intelligence, y compris après avoir passé toute une vie en cage… En témoigne l’incroyable capacité d’adaptation des « volailles de réforme » destinées à l’abattoir et adoptées par des particuliers.

Grâce à leur « boussole interne », leur odorat et leurs repères visuels, les pigeons peuvent se retrouver facilement dans l’espace. Grâce à des études scientifiques indolores, il a été prouvé que leur agilité d’esprit leur permet de mener plusieurs tâches simultanément, mais aussi de trier des ensembles dans l’ordre croissant, ou encore, d’ordonner des lots de figures géométriques. Plus incroyable encore : les pigeons sont physionomistes : ils savent différencier les personnes hostiles, de celles bienveillantes !

Sans oublier les psittacidés (perruches, perroquets, inséparables…) dont l’intelligence est bien connue. Malheureusement, ils sont aussi des « animaux de compagnie » convoités et supportent d’autant plus mal la captivité qu’on leur impose. Car plus les espèces sont dotées de capacités cognitives élevées et plus la vie entre quatre murs leur est difficilement tolérable (Proceedings of the Royal Society). Un fléau qui concerne malheureusement un perroquet sur deux…

  • Poissons, poulpes, requins

« Les poissons sont dotés de capacités cognitives complexes », affirme Violaine Colson, ingénieure de recherche au Laboratoire de Physiologie et de Génomique des Poissons de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Récemment, des chercheurs de l’Université Ben Gourion en Israël ont prouvé la capacité des poissons de naviguer et de se repérer dans un environnement terrestre, complètement différent du leur (Behavioural Brain Research) ! A cela s’ajoutent d’autres capacités étonnantes telles que l’apprentissage social, la mémorisation d’évènements positifs ou désagréables, mais aussi, la reconnaissance de congénères, ou encore, l’adaptation aux situations nouvelles.

Parmi les animaux marins, il en est un qui se distingue par ses 9 cerveaux et ses 500 millions de neurones… Le poulpe ! Ces neurones sont répartis au sein d’un réseau de ganglions, avec un cerveau central et 8 plus petits incrustés dans ses bras.  « Cette disposition leur permet d’accomplir des tâches avec leurs bras plus rapidement et plus efficacement, explique Jon Ablett, conservateur au Muséum d’Histoire naturelle de Londres (Sciences et Avenir). De plus, alors que chaque bras est capable d’agir indépendamment – capable de goûter, de toucher et de bouger – le cerveau centralisé est également capable d’exercer un contrôle descendant » sur les cerveaux périphériques.

Les requins disposent, eux-aussi, de capacités stupéfiantes. Parmi elles : « l’électro-réception » qui leur permet de percevoir les champs électriques environnants. Ce « sixième sens » les aide à trouver de la nourriture, y compris lorsque les cinq sens habituels sont inutilisables. Un avantage pour repérer les proies, même dans l’obscurité totale !

  • Cochons, ratons-laveurs, girafes

Joueurs, affectueux, les cochons sont également très intelligents ! Ils bénéficient d’une excellente mémoire qui leur permet de se souvenir de congénères ou d’humains, y compris sur le long terme. Ils savent associer nos gestes à des idées et peuvent ainsi répondre à nos indications, à l’instar des dauphins et des grands singes. Les porcs seraient même plus doués que les chiens pour manipuler un joystick, via leur groin, pour toucher une cible à l’écran !

De son côté, le raton-laveur est aussi victime de la cruauté humaine : non-endémique, il compte parmi les « espèces animales exotiques envahissantes », ce qui lui vaut d’être classé « susceptible d’occasionner des dégâts » et, de fait, piégé toute l’année et en tout lieu. Pourtant, ces êtres, adorables et attachants, sont dotés d’une intelligence surprenante ! « Des ratons se sont avérés capables de déverrouiller des serrures complexes et même de jeter des cailloux dans un récipient pour faire monter le niveau de l’eau et atteindre la nourriture flottant à la surface, informe le photographe animalier Thomas Prat qui a immortalisé de nombreux animaux de l’espèce. Rien de très surprenant finalement puisque la densité des neurones présentes dans le cortex cérébral du raton a pu être comparée à celle de certains primates ! »

Dernier exemple et non des moindres, si l’on s’en tient à sa taille… la girafe ! Menacée d’extinction, l’espèce pourrait voir ses chances de survie accrues grâce à la solidarité de ses individus. Car selon une étude anglaise publiée en août 2021, les girafes – principalement les femelles – tissent des liens sociaux complexes, à l’instar des éléphants, primates et cétacés (Mammal Review) !   « Les “grand-mères” girafes jouent probablement un rôle important dans la survie des membres du groupe auxquels elles sont apparentées, affirme Zoe Muller, biologiste et co-auteure de l’étude, interrogée par CNN. Les grand-mères ont plus de chance d’être des puits de savoirs pour le groupe, tout en participant aux soins des jeunes ».

Théories éthiques et animaux non-humains

L’éthique est une réflexion critique sur comment nous devrions nous comporter et pourquoi. L’éthique animale est un champ de l’éthique qui examine comment et pourquoi nous devrions prendre en compte les animaux non-humains dans nos décisions morales.Les différentes théories éthiques divergent sur la façon dont on devrait agir dans de nombreuses situations.

Malgré leurs nombreuses différences, les théories éthiques les plus largement acceptées sont toutes en faveur d’une considération morale des animaux non-humains et d’un rejet du spécisme (discrimination envers les animaux non humains). Les arguments de chaque théorie sont différents, chaque théorie ayant ses propres raisons pour lesquelles nous devrions agir d’une façon plutôt que d’une autre. Cependant, les différents arguments utilisés par toutes ces théories arrivent à la même conclusion: les intérêts de tous les êtres sentientes devraient être pris en considération. Et ce parce que ce principe s’applique de manière universelle et non à une théorie en particulier.

Voici les principales théories éthiques :

L’égalitarisme

L’égalitarisme est une théorie éthique qui soutient qu’une situation est optimale lorsque le bonheur issu de cette situation est distribué de manière aussi égale que possible. Selon certains égalitaires, l’égalité est une bonne chose parce que l’inégalité est une mauvaise chose en soi, ou parce qu’elle est injuste. Selon d’autres, l’égalité est une bonne chose et l’inégalité une mauvaise chose car on devrait donner la priorité aux intérêts des plus mal lotis. Ce dernier type d’égalitarisme est souvent appelé ‘prioritarisme’, étant donné qu’il privilégie l’aide accordée aux plus démunis. D’après l’égalitarisme, il est donc préférable que tout le monde vive avec un niveau satisfaisant de bonheur, plutôt que certains vivent dans des conditions paradisiaques lorsque d’autres se trouvent dans une situation très difficile. Ce qui importe dans l’égalitarisme n’est pas seulement que la quantité de bonheur soit la plus importante possible, mais aussi que le plus grand nombre de personnes possible vive dans le bonheur et non dans la souffrance.

L’égalitarisme a été critiqué de la manière suivante : la plupart d’entre nous serait d’accord pour dire que si l’augmentation de l’égalité devait signifier la réduction du bonheur global (dont le bonheur de ceux qui font déjà partie des plus mal lotis), cela ne serait pas moral. On pourrait donc affirmer que l’égalité n’est pas vraiment importante et que seule la quantité de bonheur l’est. Cependant, les égalitaristes rejettent cet argument, car ils n’accordent pas seulement de l’importance à l’égalité mais aussi au bonheur. Ils peuvent donc s’accorder sur le fait que dans une situation comme celle décrite ci-dessus, réduire le bonheur de tous afin de réduire les inégalités n’en vaudrait pas la peine. Mais contrairement à d’autres tels que les utilitaristes ou les théoriciens des droits, ils se soucient également de l’égalité. Ainsi à la différence des utilitaristes, ils soutiennent qu’une diminution du bonheur total serait valable si cela devait signifier une augmentation importante du bonheur des plus défavorisés. Et à la différence des théoriciens des droits, ils affirment qu’un droit entravant l’amélioration de la situation des plus mal lotis ne devrait être respecté.

L’égalitarisme s’intéressant à l’égalité, il s’oppose à tout point de vue défendant la discrimination envers des êtres, que leur vie soit bonne ou mauvaise. L’égalitarisme implique alors que les intérêts des animaux non-humains doivent être pris en compte, comme l’ont signalé des auteurs tels qu’Ingmar Persson, Peter Vallentyne, Nils Holtug, et avant eux le pionnier du 19ème siècle Lewis Gompertz. L’égalitarisme a des conséquences importantes pour les animaux non-humains puisque des milliards d’entre eux sont victimes chaque année de discrimination et de négligence, ce qui signifie qu’ils sont dans une moins bonne situation que la majorité des êtres humains.

D’autres théories défendent également les animaux non-humains contre les souffrances qui leur sont infligées car elles affirment que leur faire du mal ou ne pas les aider lorsqu’ils en ont besoin n’est pas justifiable. L’égalitarisme approuve cette affirmation mais soutient que nous avons des raisons supplémentaires de nous soucier des intérêts des animaux non-humains. C’est parce qu’actuellement la majorité des êtres humains sont beaucoup plus heureux que les animaux non-humains. Il est vrai que certains humains souffrent terriblement mais si l’on considère la majorité, la situation des animaux non-humains est clairement moins avantageuse que celle des humains. Ceux d’entre eux qui sont exploités par les humains subissent des sorts terribles. Des milliards d’animaux sont exploités dans des fermes où ils subissent des souffrances atroces toute leur vie durant. De plus, leur vie est très courte. Ils sont tués à la première occasion afin d’être consommés et utilisés à d’autres fins. Quant aux animaux sauvages, leur vie est aussi très loin d’être idyllique. Ils souffrent énormément et de diverses façons, et leur vie s’achève généralement de manière brutale juste après leur naissance. Les arguments ci-dessus, en faveur de l’égalitarisme, suggèrent que nous devrions non seulement considérer ou défendre les animaux non humains, mais que nous devrions en faire notre principale préoccupation. L’égalitarisme implique que la satisfaction des besoins des animaux non-humains devrait devenir une priorité parce que leur situation est bien pire que la nôtre.

L’utilitarisme

L’utilitarisme est une théorie éthique selon laquelle nous devrions agir de manière à apporter, engendrer, créer le plus de bonheur possible dans le monde. Cette théorie défend les trois points suivants :

  • La quantité de bonheur (ou la satisfaction des désirs) devrait être la plus importante possible.
  • La somme totale de bonheur, dans l’ensemble, devrait être la plus élevée possible.
  • Nous devrions agir de façon à augmenter la somme totale de bonheur.

Une certaine forme de l’utilitarisme ne se focalise pas sur la somme totale du bien-être et de la souffrance mais sur la réduction de la somme totale de souffrance. Ceci est appelé l’utilitarisme négatif. Une autre perspective soutient que nous ne devrions pas augmenter la quantité totale de bonheur (ce qui aurait pour résultat que certaines personnes rayonnent de bonheur tandis que tous les autres souffrent) mais plutôt la quantité moyenne de bonheur dont jouissent tous les individus sentientes. Cette théorie est connue sous le nom de “utilitarisme moyen’’. L’utilitarisme standard maintient, cependant, qu’il devrait y avoir le plus de bonheur possible, calculé en considérant tout le bonheur positif existant et en y soustrayant toute la souffrance qui existe.

D’après l’utilitarisme, le bien être de chaque individu compte. Si dans nos décisions morales, nous ne parvenons pas à prendre en compte les intérêts de quelqu’un qui a des expériences positives ou négatives, nous ignorerons alors la somme totale de bonheur. Ce qui signifie que la discrimination envers les animaux sentientes non humains, qui ont des expériences ou des préférences positives ou négatives, n’est pas compatible avec une théorie telle que l’utilitarisme. Cette théorie doit prendre en compte chaque fragment de souffrance et chaque fragment de bonheur, ce qui signifie prendre en compte aussi bien les expériences des animaux non humains que celles des êtres humains. C’est pourquoi, les premiers théoriciens utilitaristes, tels que Jeremy Bentham, John Stuart Mill et Henry Sidgwick, ont défendu la considération morale des animaux non-humains. Ils ont déclaré que les intérêts des animaux non humains doivent être respectés comme égaux a ceux des êtres humains .Ils n’ont cependant pas réussi à prévoir les conséquences pratiques qui en découlent, telles que le rejet de l’exploitation animale. Plus récemment, des théoriciens tels que Peter Singer et Gaverick Matheny ont examiné ce qui découlerait de l’inclusion des intérêts des animaux non-humains, sous-entendue par l’utilitarisme.

D’après l’utilitarisme, l’utilisation des animaux non humains peut uniquement être acceptable si le bonheur que leur exploitation génère est plus important que le mal qu’elle cause. Mais il est très difficile de penser à quelconque situation ou cela pourrait être possible. Les animaux non humains sont abattus de manière brusque et douloureuse après avoir été privés de la plupart des expériences positives qu’ils auraient pu vivre, et après avoir souffert terriblement.

En réalité, utiliser les animaux n’augmente pas la quantité de bonheur dans le monde, mais, au contraire contribue a la réduire considérablement, et ce parce que le plaisir momentané que l’on puisse avoir à savourer des produits animaux, engendre de grandes souffrances. Une telle exploitation ne peut donc pas être considérée moralement légitime d’après l’utilitarisme.

De plus, l’utilitarisme ne peut pas simplement accepter le fait que nous ne fassions rien pour empêcher les préjudices subis par les autres et ce, même si nous ne sommes pas à l’ origine de ces préjudices. Les utilitaristes affirment que nous devrions nous préoccuper du bonheur de tous ceux qui peuvent être heureux. Si quelque chose réduit le bonheur des animaux alors nous devrions essayer de lutter contre ce fléau, quel qu’il soit. Ainsi, compte tenu des nombreuses terribles façons dont les animaux sauvages sont victimes de préjudices dans la nature, leur détresse devrait être une priorité pour les utilitaristes, ainsi que pour ceux qui suivent certaines autres approches éthiques.

Le contractualisme

D’après la théorie du « contractualisme », les principes moraux et politiques que l’on devrait adopter, sont ceux que nous accepterions dans le cadre d’un contrat hypothétique. Les contractualistes présentent souvent un scénario dans lequel aucun principe moral ou politique n’a encore été accepté, et il est de notre devoir de trouver quelques-uns de ces principes. Le contractualiste affirme que les principes que nous accepterions dans le scénario qu’il propose, sont ceux que nous devrions accepter dans le monde réel.

Au 17ème siècle par exemple, Thomas Hobbes a affirmé qu’en l’absence de règles politiques, nous vivrions tous dans un état de nature dans lequel nos vies seraient sans cesse menacées. Dans cet état de nature, nous choisirions d’adopter un système politique qui garantirait notre sécurité, a déclaré Hobbes. Dans ce modèle, les agents rationnels choisiraient leur système politique par le biais d’un contrat hypothétique. Ils agiraient de la sorte parce qu’autrement ils se nuiraient mutuellement. Il s’agit donc d’une question de pouvoir. Les agents rationnels ont le pouvoir de se faire du mal mutuellement, et ils peuvent choisir d’abandonner ce pouvoir pour préserver leur propre sécurité.

Les contractualistes contemporains ont une approche différente. A l’instar de Hobbes, ils affirment que l’idée d’un contrat social est un outil permettant de voir quelles normes peuvent être légitimement choisies. Ils se distinguent dans ce qui rend ces normes légitimes. John Rawls, par exemple, nous invite à imaginer une situation dans laquelle nous devons choisir les normes de la société dans laquelle nous souhaiterions vivre tout en ignorant complètement la place que nous occuperions dans cette société, ainsi que notre constitution physique, notre ethnicité, etc. On suppose que dans une telle situation les normes que nous accepterions seraient légitimes car l’impartialité serait maintenue. Elles sont légitimes dans une situation dans laquelle nous avons réfléchi à la question de manière impartiale.Thomas Scanlon has argued that we should accept acting according only to those principles to which no one could reasonably reject.

Selon certains contractualistes tels que Peter Carruthers, il est entendu que seuls ceux dotés de capacités rationnelles (nécessaires pour envisager faire partie d’un contrat) peuvent être les bénéficiaires d’un tel contrat et par conséquent, que seuls les agents rationnels seraient protégés par le contractualisme. Cependant, ceci n’est pas automatiquement implicite dans le contractualisme. Ceux qui participent à un contrat peuvent décider de protéger les autres. Et nous avons vu que nous avons de fortes raisons de le faire en ce qui concerne les animaux non-humains. De plus, nous pourrions seulement accepter une position telle que celle de Carruthers, si nous acceptions une position contractualiste telle que celle défendue par Hobbes, qui ne tient pas compte de l’impartialité. Cependant, si nous acceptons l’approche que les contractualistes contemporains ont défendue, nous ne pourrions pas accepter une position dans laquelle seuls les agents rationnels ou seules les personnes puissantes, seraient protégés. Nous devrions examiner dans des conditions impartiales si un principe est acceptable ou non. Si nous accepterions le principe d’un point de vue impartial et de notre propre situation, alors le principe est légitime.

Il est arbitraire de penser que ce point de vue impartial ne concerne que les êtres humains. La véritable impartialité suppose que nous considérions ce qui arriverait à tous les êtres sentientes (conscients). Ainsi, si nous ne savions pas quel type d’être sentient nous serions, par exemple un humain ou une vache, nous rejetterions certainement la discrimination Spéciste dont sont actuellement victimes les animaux non-humains. Cette vision a été développée dans les années 70 par Donald VanDerVeer, et a été notamment soulignée par le théoricien contractualiste Mark Rowlands.

Nous pouvons donc conclure que le contractualisme contemporain, ainsi que d’autres théories éthiques, n’est pas compatible avec l’exclusion morale des animaux non-humains, et est en porte à faux avec le spécisme. Comme nous l’avons vu dans le cas de Peter Carruthers, certaines positions ’spécistes’ ont été motivées par le contractualisme. Mais les contractualistes n’ont pas besoin d’accepter de tels points de vues, qui supposent une version dépassée du contractualisme (telle que celle de Hobbes) que la majorité des gens considère inacceptable de nos jours.

Le conséquentialisme négatif

Les conséquentialistes soutiennent qu’il est nécessaire de prendre en compte les intérêts des différents individus affectés par une action particulière avant de décider de celle-ci. Le conséquentialisme négatif est une variante du conséquentialisme qui se concentre sur la réduction des préjudices. Cette orientation est due à la présomption qu’il n’existe pas de choses ayant une valeur intrinsèque positive alors qu’il existe des choses ayant une valeur intrinsèque négative. Par conséquent, afin de décider du type d’action à engager, un conséquentialiste négatif examinerait quels préjudices une action pourrait engendrer, éliminer, augmenter ou diminuer.

Selon le conséquentialisme négatif, le besoin de réduire la souffrance autant que faire se peut doit toujours avoir priorité sur le reste. Aucuns bénéfices ne peuvent compenser la souffrance.

L’utilitarisme négatif est une forme de conséquentialisme négatif. D’autres formes possibles du conséquentialisme négatif comprennent le prioritarisme négatif, l’égalitarisme conséquentialiste négatif et de façon générale, toute théorie conséquentialiste selon laquelle il n’y a pas de valeur positive à considérer.

Afin de comprendre les différences entre les formes standards de conséquentialisme et le conséquentialisme négatif, nous pouvons considérer le cas de l’utilitarisme négatif. Plusieurs différences importantes permettent de distinguer l’utilitarisme négatif de l’utilitarisme standard, quoique les deux notions possèdent une base commune.

Les trois idées qui définissent l’utilitarisme standard sont les suivantes :

  • Ce qui est bénéfique pour les individus est le fait que la quantité de bonheur (ou la satisfaction des désirs) soit aussi grande que possible. La quantité de bonheur est égale à la quantité de bonheur positif moins la quantité de souffrance (ou de désirs non assouvis).
  • Globalement, le mieux est que la somme totale de bonheur soit aussi grande que possible.
  • Nous devrions agir de façon à ce que la somme totale de bonheur augmente.

Les trois idées qui définissent l’utilitarisme négatif sont les suivantes :

  • Ce qui est bénéfique pour les individus est le fait que la quantité de souffrance (ou de désirs non assouvis) soit aussi petite que possible.
  • Globalement, le mieux est que la somme totale de souffrance soit aussi petite que possible.
  • Nous devrions agir de façon à ce que la somme totale de souffrance diminue autant que possible.

Contrairement à l’utilitarisme standard, l’utilitarisme négatif considère qu’aucune quantité d’expérience positive ne peut compenser une quelconque quantité de souffrance. Selon la théorie utilitariste standard, la souffrance peut être acceptable si elle permet une quantité de bonheur positif plus grande. Cela ne serait jamais acceptable du point de vue de l’utilitarisme négatif.

Par conséquent, dans un certain nombre de cas, l’utilitarisme négatif défendrait des décisions semblables à celles mises en avant par d’autres théories conséquentialistes telles que l’égalitarisme et le prioritarisme, mais différentes de celles proposées par l’utilitarisme standard. Selon l’utilitarisme standard, par exemple, si l’on avait la possibilité d’apporter un grand bonheur à une personne et si pour ce faire on devait infliger un niveau de souffrance comparativement très bas à une autre personne, cela serait tout à fait acceptable. L’utilitarisme négatif ainsi que l’égalitarisme rejetteraient cette option.

Et qu’en est-il des autres approches conséquentialistes négatives ? Le prioritarisme négatif se concentre sur la réduction de la souffrance en donnant plus d’importance à ceux qui souffrent le plus. L’égalitarisme conséquentialiste négatif se concentre aussi sur la réduction de la souffrance et sur la réduction des inégalités.

Il est des circonstances dans lesquelles l’utilitarisme négatif arrive à des conclusions différentes de l’égalitarisme, de l’égalitarisme négatif, du prioritarisme ou du prioritarisme négatif. Par exemple, prenons une situation dans laquelle si nous agissions d’une certaine manière, un individu serait assujetti à des douleurs considérables et un autre individu ne serait pas assujetti à ces douleurs, tandis que si nous agissions d’une autre manière, les deux individus souffriraient, mais dans une moindre mesure que l’individu dans le premier exemple. En d’autres mots, dans le dernier exemple, la souffrance serait infligée de manière égale et l’effet sur les deux individus serait ainsi réduit; la douleur ne serait pas infligée à un seul d’entre eux. Selon l’utilitarisme négatif, si la somme des souffrances des deux individus était la même que les souffrances éprouvées par l’un d’entre eux dans le premier exemple (puisque chacune des deux personnes souffrirait moitié moins), nous devrions être indifférents quant à l’issue éventuelle. Toutefois, une position comme celle de l’égalitarisme (ou de l’égalitarisme négatif) considère la situation dans laquelle un seul individu souffre comme étant pire, car cet individu serait dans une situation bien plus difficile en comparaison avec celle où les deux individus auraient à se partager le fardeau. Dans ce cas, l’utilitarisme négatif opère d’une façon similaire à l’utilitarisme standard, car celui-ci considère seulement la somme totale et non sa distribution.

Une autre position rejette l’augmentation du bonheur si cela implique qu’il faille infliger de la souffrance à un individu, mais cette position est différente du conséquentialisme négatif. Pour les personnes qui sont de cet avis, il est tout à fait inacceptable d’infliger de la souffrance à un individu dans le but d’augmenter le bonheur, non pas parce qu’ils valorisent seulement la réduction de la souffrance et non pas parce qu’ils valorisent la réduction de la souffrance plus que toute autre chose, mais simplement parce qu’ils considèrent comme moralement inacceptable le fait de blesser les autres quelle qu’en soit la raison. Il s’agit d’une approche déontologique, ou non conséquentialiste, par opposition aux théories conséquentialistes.

En pratique, le conséquentialisme négatif est une théorie qui protège généralement les plus vulnérables et s’oppose à leur exploitation au bénéfice des autres si cela résulte en souffrances pour eux. Puisque les animaux non humains peuvent souffrir, selon le conséquentialisme négatif il est moralement inacceptable de blesser des animaux ou de leur faire subir quelque souffrance que ce soit pour le bénéfice des humains. Pour cette raison, l’exploitation des animaux est moralement inacceptable.

D’après le conséquentialisme négatif tel que le prioritarisme négatif, l’utilitarisme négatif et l’égalitarisme conséquentialiste négatif, nous devrions également aider les animaux qui souffrent. Même si leur souffrance n’est pas liée à l’exploitation par les humains, nous devrions les aider lorsqu’il nous est possible de le faire, et ce tant que cela ne cause pas de souffrance considérable à d’autres individus.

Les théories des droits : les différentes positions

Les droits constituent les garanties des intérêts des gens. Les droits peuvent protéger l’intérêt de quelqu’un comme faire quelque chose sans intervention, avoir accès à certains biens, ne pas être agressé ou utilisé par les autres (voir l’approche des droits). Les théories des droits concernent quels types de droit appartiennent ou doivent être donnés à qui et pourquoi.

Les théories des droits peuvent se référer aux droits moraux et aux droits juridiques. Les droits moraux sont conçus comme des droits que les individus ont dès la naissance et possèdent peu importe s’ils ont des droits juridiques pour se protéger. Certains théoriciens des droits ne croient pas dans l’existence des droits moraux, mais plaident pour les droits juridiques des animaux non humains comme un moyen de protéger leurs intérêts. Les théoriciens abordés ci-dessous ont tous des théories des droits moraux.

Il existe plusieurs formes de théories des droits moraux, chacune a son propre cadre et arguments étayant la revendication selon laquelle les humains, et parfois les animaux non humains, ont des droits. Selon l’influent philosophe moraliste Emmanuel Kant, nous devrions seulement agir d’une manière que nous voudrions voir devenir une loi universelle. En d’autres termes, il est judicieux de faire quelque chose si nous voulons que tout le monde le fasse, aussi. Il croyait que cela implique le traitement de tous les êtres humains comme des fins en eux-mêmes, plutôt que comme de simples moyens pour arriver à une fin.

À l’époque actuelle, les théoriciens comme Christine Korsgaard et Julian Franklin ont défendu l’approche de Kant, mais ont rejeté sa conclusion sur le fait qu’elle doit être appliquée exclusivement à l’homme. Ils ont allégué que, puisque les animaux non humains sont des êtres sentientes, si nous étions à leur place, nous ne trouverions pas acceptable d’avoir nos intérêts ignorés. Par conséquent, non seulement les humains, mais tous les animaux sentientes doivent être considérés comme des fins en soi.

Certains auteurs actuels ont développé des théories fondées sur un point de vue kantien, mais ont essayé d’éviter certains des problèmes que ce point de vue implique. Un auteur, Alan Gewirth, a affirmé que tous les agents, par le simple fait d’agir, présument qu’ils ont le droit d’agir, ainsi que d’autres droits nécessaires pour agir (comme les droits nécessaires à la survie), et que, par conséquent, si nous voulons être cohérents, nous devons respecter les droits d’autrui. Cet argument a été accepté par Evelyn Pluhar, qui a affirmé qu’il devrait être appliqué à tous les êtres sentientes, car ceux-ci ont aussi les intérêts et les besoins que nous avons et devons avoir en tant qu’agents pour être protégé par les droits.

Tom Regan, un défenseur bien connu des droits moraux des animaux non humains, possède un autre point de vue. Il affirme que plusieurs raisons permettent de conclure que les animaux non humains (ou au moins beaucoup d’entre eux) ont des droits moraux. Chacun d’eux, pris séparément, ne serait peut-être pas concluant, mais quand nous les considérons ensemble, nous avons un argument cumulatif qui rend un dossier solide pour cette revendication. Il croit que nous aurions à rejeter, comme étant insatisfaisante, toute théorie qui a nié les devoirs directs envers les animaux non humains, et qui a refusé que nous devrions accepter et respecter les droits moraux, ou revendiqués que seuls les humains ont une valeur intrinsèque. Regan utilise le critère sujet d’une vie qui pour être remplis exige la conscience et un certain niveau de capacité cognitive. Selon Regan, toute personne qui est un sujet d’une vie a une valeur intrinsèque. Cela comprend non seulement les humains, mais tous les mammifères et de nombreux autres animaux.

Un autre théoricien qui a plaidé en faveur des droits des animaux non humains est Gary Francione. Il affirme que les animaux non humains devraient jouir de droits juridiques qui se composent principalement des droits de base qui ne devraient pas être utilisés comme ressources par d’autres. Francione ne limite pas son point de vue aux droits juridiques, et affirme que les animaux non humains ont aussi des droits moraux. Il a fait valoir que tous les animaux sentientes ont des droits moraux de base en raison du fait même qu’ils sont sentientes.

Enfin, d’autres théoriciens ont soutenu que les animaux non humains devraient avoir des droits parce que c’est ce qui suit d’une application cohérente et sans préjugés de la théorie contractualiste. Ce point de vue est expliqué dans le Contractualisme.

L’éthique de la vertu et l’éthique de la sollicitude

  • L’éthique de la vertu

L’approche de l’éthique de la vertu dans la philosophie morale défend le point de vue qui stipule que, en décidant comment vivre, nous ne devons pas considérer ce qui ferait de ce monde un endroit meilleur ou quelles normes nous devrions obéir, mais plutôt quel genre d’agents moraux nous voulons être. L’éthique de la vertu s’intéresse au caractère moral. Elle défend la notion que l’éthique concerne le genre de personne que nous sommes, plus que ce que nous faisons.

En raison de ceci, l’éthique de la vertu, à la différence d’autres perspectives en éthique, ne nous donne pas des conseils concernant ce qu’il faut faire. Elle ne nous indique pas que nous devrions augmenter le bonheur dans le monde, ou défendre l’égalité, ou éviter un meurtre. Plutôt, elle nous dit simplement de développer un caractère moral sain. Selon des éthiciens de la vertu, quand nous avons un caractère vertueux, nous agirons correctement.

En raison de la manière dont l’éthique de la vertu conçoit la pensée morale, il est difficile de voir comment on pourrait défendre un point de vue spéciste en conformité avec elle. Néanmoins, certains peuvent penser qu’il serait possible d’assumer une approche de l’éthique de la vertu qui est en conformité avec le spécisme. En considérant ceci, nous devons d’abord noter que, dans notre rapport avec les animaux non humains, nous sommes déjà dans une position favorable. Nous avons plus de puissance qu’eux. Cette relation de puissance peut nous conduire à tirer profit d’une situation dans laquelle des animaux sont nuis, ou simplement à être indifférents au mal qui les affecte, que ce soit causé par nous-mêmes, par d’autres, ou par suite des occurrences naturelles. Cependant, de telles attitudes, qui peuvent être convenablement décrites comme abusives ou peu sensibles, peuvent à peine être considérées des caractéristiques qui identifieraient quelqu’un ayant un caractère vertueux.

En discutant de l’éthique, on peut faire valoir que, parce que la plupart des personnes acceptent le spécisme, il est très difficile d’assumer un point de vue anti spéciste. Cependant, ceux qui défendent une approche de l’éthique de la vertu peuvent rejeter cette réclamation, comme Daniel Dombrowski et Nathan Nobis ont fait, parce que l’action vertueuse est quelque chose que nous devrions faire indépendamment de si le contexte où nous sommes est favorable ou défavorable vers l’action vertueuse.

Certains éthiciens de la vertu ont prétendu qu’être vertueux c’est d’accomplir notre potentiel pour devenir des agents moraux à part entière. Mais nous pouvons seulement accomplir un tel potentiel qu’en permettant aux autres de satisfaire leurs propres intérêts aussi bien que des théoriciens tels que Stephen Clark, Bernard Rollin,  Rosalind Hursthouse, et Martha Nussbaum ont affirmé. Puisque les êtres sentients sont nuis quand ils ne peuvent pas satisfaire leurs propres intérêts. L’approche de l’éthique de la vertu impliquerait de respecter les intérêts que les autres ont. D’ailleurs, parce que l’insensibilité n’est pas considérée comme vertueuse, nous pourrions également réclamer que l’action la plus vertueuse ne serait pas juste de ne faire aucun mal, mais réellement de faire du bien, et essayer d’aider des animaux autant que possible.

  • L’éthique de la sollicitude

Les éthiciens de la sollicitude affirment que la base de nos préoccupations éthiques devrait être nos réactions émotives vis-à-vis d’eux. Dans cette optique, ils défendent l’idée voulant que les rapports spéciaux produisent des devoirs moraux spéciaux, une idée que d’autres théories (essentiellement, celles qui défendent des préoccupations impartiales en éthique) rejettent.

Par conséquent, on peut donc penser que l’éthique du soin pourrait fournir une base pour un point de vue anthropocentrique qui a exclu des animaux non humains. La raison présumée pour ceci serait que, parce que nous avons habituellement des rapports plus forts avec les êtres humains, nous devrions donner la priorité à leurs intérêts et faire moins attention aux intérêts d’animaux non humains. Cet argument a été rejeté par ceux qui ont défendu la considération des animaux non humains selon le point de vue des éthiciens de soin, tels que Josephine Donovan et Carol Adams. Donovan a avancé l’idée que nous ne pouvons pas être considérés comme des agents bienveillants si les intérêts de ces êtres qui souffrent ne nous préoccupent pas. Être un agent bienveillant voudrait dire avoir une réponse bienveillante à cette souffrance. Par conséquent, nous devrions être soucieux des intérêts de tous ceux qui peuvent sentir la souffrance et le bien-être. En conséquence, quelques éthiciens de soin ont actuellement abordé nos devoirs pas seulement envers les animaux non humains qui sont en rapport avec nous, mais aussi envers d’autres avec qui nous ne sommes pas en rapport, tel que les animaux qui vivent dans la nature.

Si nous devions nous occuper seulement des gens avec qui nous avons des rapports forts, nous nous soucierions alors de très peu de personnes. Nous ne nous occuperions pas de la grande majorité de l’humanité puisque nous n’avons pas de rapports avec eux. En fait, beaucoup de gens ont un rapport proche avec quelques animaux non humains. Si nous devions faire des rapports, la base de la bienveillance, nous devrions alors accepter la négligence de la majorité de l’humanité comme éthique, et que certains animaux non humains méritent plus de considération que beaucoup d’êtres humains. Une solution de rechange à ceci est bien sûr de rejeter la pertinence de rapports et de se tourner vers l’attribution de la considération morale, bien que cela veuille dire rejeter une partie de ce que les éthiciens de soin défendent.

La compassion pour l’éthique environnementale et la protection de la planète

La compassion comme moteur de la transition écologique

Dans le dernier livre de Bertrand Piccard, « Réaliste, soyons logiques autant qu’écologiques », il affirme que, outre ces obstacles économiques et sociaux, « seuls les gens capables d’entendre le langage du respect, de l’amour, de la conscience, de la solidarité, peuvent embrasser cette logique de renoncer à certains biens matériels pour assurer l’avenir de l’humanité ».

Bertrand Piccard considère donc que l’aptitude à la compassion est essentielle pour la réalisation de la transition écologique, en particulier si elle est conçue comme un changement de société et de valeurs.

On se comporte de manière responsable, non pas seulement lorsque l’on s’assume soi-même, mais lorsque l’on assume les conséquences de ses actes, en particulier sur autrui.  Pour être capable de le faire, il faut comprendre de quelle manière et dans quelle mesure nos actions affectent les autres. C’est là qu’interviennent l’empathie et la compassion, qui nous permettent non seulement de percevoir l’impact de nos décisions et de nos actions sur autrui, mais aussi de nous sentir concerné par cet impact, et finalement d’en tenir compte. Pendant longtemps, nous avons considéré que nos décisions et actions ayant un impact sur le climat affectaient une entité très abstraite, les « générations futures », pour lesquelles il était difficile de ressentir de l’empathie ou de la compassion. Aujourd’hui, nous constatons que plus personne n’échappe aux impacts de la crise climatique. Et ce sont nos enfants qui en payeront le plus lourd tribut à cause de notre inaction. Dans un tel contexte, nos capacités d’empathie et de compassion devraient nous mener à prendre des décisions plus responsables, que ce soit en termes de choix technologiques ou de comportement.

Éthique environnementale et développement durable

En citant Aldo LEOPOLD, l’éthique environnementale est « une éthique chargée de définir la relation de l’homme à la terre, ainsi qu’aux animaux et aux plantes qui vivent dessus ».

Voici les questions qu’elle se pose : Comment doit-on se comporter dans la nature ? Avons-nous tous pouvoirs sur elle ? Avons-nous des devoirs à son égard ? Mais aussi, est-ce que la nature a des droits ?

 Par conséquent, si l’objectif de l’éthique environnementale est de questionner les fondements moraux des rapports qui s’établissent entre l’homme et la nature, elle analyse aussi les implications sociétales en termes de devoirs, d’obligations et de droits.

Le concept de développement durable défini dans le rapport Brundtland est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Cette définition a deux conséquences :

  • Tout d’abord, le bien-être des générations présentes ne peut être dissocié du souci de préserver le bien-être des générations futures. On se situe dans une approche utilitariste, basée sur l’importance des besoins. Cela pose la question de l’équité intra et intergénérationnelle dans l’accès et dans la répartition des ressources et des pollutions.
  • Le second point concerne la dépendance du développement à l’égard de la nature qui est portée par une vision de long terme et qui intègre la dynamique des systèmes environnementaux, écosystème et biosphère.

Ces deux éléments font référence à un problème économique particulier qui est fondamental du point de vue du développement durable. Il s’agit de traiter la répartition dans le temps des ressources environnementales et des impacts environnementaux résultant de certains usages de la nature sous la contrainte de satisfaire les besoins essentiels des générations successives. L’introduction de considérations éthiques dans cette problématique permet d’éclairer la nature des droits et des obligations qui s’établissent entre les générations successives pour bénéficier des ressources environnementales et pour réguler la dégradation dont elles peuvent faire l’objet. Ce faisant, l’éthique environnementale enrichit les enjeux associés au développement durable. Cette perspective dynamique conduit à s’interroger sur le contenu de ce qui doit être transmis aux générations futures par les générations présentes. On est donc amené à relier deux visions : une vision économique et une vision éthique.

Voyons d’abord la vision économique. On peut ici mobiliser deux approches du développement durable :

  • La première, qualifiée de faible, met l’accent sur le rôle joué par le progrès technique et par les possibilités de substitution entre les différentes catégories de ressources (ressources naturelles, techniques et humaines), dans le maintien, à long terme, du stock de capital de l’économie. Le maintien de ce stock constitue la condition de durabilité faible du développement durable. Seules les ressources naturelles, ici qui ont un prix, sont considérées, autrement dit les ressources marchandes.
  • La seconde, qualifiée de forte, considère que les substitutions entre les catégories de capital et l’implication du progrès technique sont limitées. La règle de durabilité est plus contraignante car elle implique le maintien dans le temps du stock de ressources environnementales. Ces ressources, qu’elles soient marchandes ou non, sont composées des ressources naturelles et des services environnementaux assurés par la biosphère et les écosystèmes à travers différentes fonctions écologiques.

Concernant à présent la vision éthique :

L’approche de la durabilité faible considère un contenu minimaliste de la nature en ne prenant en compte que les éléments qui ont une valeur marchande et n’implique pas à leur égard de restriction particulière dans leur usage de la part des générations actuelles. En effet, la durabilité du développement peut être assurée par la constitution d’un fonds de compensation provenant des rentes issues de l’exploitation des ressources épuisables et grâce aux progrès techniques, les générations futures pourront utiliser ce fonds pour compenser la diminution des stocks de ressources qui résultent des prélèvements actuels. L’existence de transferts entre les générations repose avant tout sur les choix des générations présentes pour les générations à venir. Ce sont les préférences des générations présentes qui déterminent celles de leur descendance. La possibilité de transfert est légitimée par l’existence de droits entre les générations successives. On s’inscrit ici dans une éthique environnementale anthropocentrique. De son côté, la vision de la durabilité forte est marquée par la complémentarité qui existe entre les différentes ressources environnementales. La préservation à long terme de ces ressources implique de poser des règles d’usage particulière. Fixer par exemple un taux de prélèvement inférieur au taux de renouvellement pour les ressources renouvelables, remplacer des ressources épuisables par des ressources renouvelables ou encore, préserver totalement les éléments naturels critiques pour lesquels aucun substitut n’existe et dont la dégradation peut-être irréversible. Ici, l’éthique environnementale est envisagée comme une forme d’expression particulière de l’équité entre les générations déclinée en termes environnementaux. L’introduction d’obligations des générations actuelles à l’égard des générations futures va alors exprimer l’existence d’un intérêt généralisé dans l’équité intergénérationnelle pour assurer à long terme la conservation de la nature. Ce ne sont donc pas les préférences des générations présentes qui déterminent les obligations intergénérationnelles. On est ici en présence d’une éthique environnementale biocentrique où finalement la prise en compte des valeurs des éléments de la nature implique de réguler les actions humaines par la limitation des droits d’usage. Norme de sauvegarde par exemple pouvant aller jusqu’à l’interdiction totale de tout usage.

Ainsi, l’éthique environnementale permet de définir des normes d’action, en accord avec les principes du développement durable, la préservation de la biodiversité ou encore le souci à l’égard des générations futures dans les choix économiques actuels. Dans un contexte de changement climatique, il devient très urgent de la mobiliser.

L’éthique du futur de JONAS

Hans Jonas est le premier philosophe à avoir introduit le concept de responsabilité des générations présentes vis-à-vis des générations futures, concept qui est à la base des principes de développement durable.

Avec la parution en 1979 d’un ouvrage majeur, Le Principe Responsabilité, les bases d’une nouvelle éthique sont jetées. L’éthique environnementale de JONAS, c’est d’abord une éthique de la responsabilité. Généralement, la responsabilité trouve sa source dans les obligations passées ou présentes et porte sur les actes présents. Selon JONAS, la responsabilité trouve maintenant sa source dans le futur et oblige dans le présent. C’est, selon ses termes, pour ce qui est à faire.

L’origine de ce changement d’optique réside dans les menaces issues de la puissance de la technologie engendrée par l’homme. La limitation de l’agir humain résulte de l’obligation que nous avons à l’égard de l’avenir qui nous oblige être responsables aujourd’hui. Dans ce contexte, la nature de la responsabilité est directement liée au pouvoir de l’agir humain devenu dangereux pour l’espèce humaine du fait de la puissance de la technique qu’il a créée. L’homme contrôle la nature à l’aide de techniques qu’il ne contrôle pas. L’exemple le plus marquant est celui révélé par l’impact des actions humaines sur le climat, exemple qui révèle l’incapacité des sociétés à assurer leurs responsabilités en matière environnementale.

L’intervention de l’éthique est alors légitime. C’est elle qui régule le pouvoir d’agir des individus en tant qu’êtres responsables de leurs actes. Comment ? À l’aide du principe responsabilité qui indique comment agir sous la forme d’un impératif :

« Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre ».

  • Quelles sont les implications du principe responsabilité ?

Tout d’abord, les générations présentes ont le devoir d’anticiper les menaces qui découlent de leur toute-puissance. L’obligation provient de l’avenir, les générations actuelles ont le devoir d’exercer une responsabilité à l’égard de leur descendance. Cela se traduit par une équité entre les générations qui est asymétrique. Les générations présentes ont des droits et des obligations envers les générations futures parce qu’elles ont conscience de l’effet de leurs actions, alors que les générations futures ne peuvent ni revendiquer des droits, ni respecter des obligations à l’égard des générations présentes. Il y a donc une rupture avec la réciprocité qui lie traditionnellement obligations et droit. Il en résulte l’impossibilité d’envisager la justice intergénérationnelle sur la base d’une justice redistributive entre les générations. Ainsi, toute ressource environnementale irréversiblement dégradée ou détruite du fait des actions humaines présentes ne pourra pas faire l’objet d’un échange intergénérationnel susceptible de compenser cette perte. Ici, seul le recours au principe responsabilité peut limiter ex ante, les dégradations majeures de la nature.

Une seconde obligation indirecte s’exprime à l’égard de la nature et fonde chez JONAS la justice environnementale. En effet, les éléments de la nature font l’objet d’une obligation de la part des hommes parce qu’ils contribuent à la préservation des conditions d’existence de l’humanité et parce qu’ils sont dotés d’une valeur intrinsèque, indépendante de tout usage. Il est important de noter ici que l’ensemble des valeurs associées aux éléments de la nature doit être préservé pour l’ensemble des générations. Le bien-être des générations successives dépend explicitement de la préservation de la nature et de ses valeurs. JONAS, à ce sujet, écrit :

« La solidarité de destin entre l’homme et la nature, solidarité nouvellement découverte à travers le danger, nous fait également redécouvrir la dignité autonome de la nature et nous commande de respecter son intégrité par-delà l’aspect utilitaire ».

Ainsi, il existe une forme de solidarité entre les êtres vivants, humains et non humains, solidarité qui ne doit pas être menacée car elle est garante de la survie des espèces en général et de celle de l’espèce humaine en particulier. La nature, en tant qu’objet de la responsabilité humaine, entre directement dans le champ de l’éthique chez le philosophe. La portée éthique de la responsabilité est globale dans la mesure où elle contient les interdépendances qui existent entre l’espèce humaine et les systèmes environnementaux. Dès lors, bien que la nature ne soit pas un sujet de droit et qu’à ce titre elle n’est ni obligation ni devoir à l’égard de l’humanité, elle ne peut donc être exclue de la portée des enseignements du philosophe. L’éthique environnementale de JONAS est une éthique fondamentalement ouverte sur la biosphère. Au-delà du but ultime de préserver l’humanité, elle vise à la préservation de la vie sous toutes ses formes, humaines et non humaines. Elle est donc ancrée dans une forme d’écocentrisme où la solidarité entre les éléments vivants occupe une place fondamentale.

  • Voyons à présent comment le principe responsabilité peut être intégré au développement durable.

L’obligation de préserver l’humanité de toute disparition constitue un impératif catégorique qui structure la pensée de JONAS. Nous avons vu que cela suppose de préserver la nature et de limiter le pouvoir d’agir des générations présentes.

Dans la perspective du développement durable, comment l’obligation du maintien d’une vie authentiquement humaine sur terre est-elle envisageable ? Selon JONAS, cette obligation semble difficile à respecter si les modes de vie des pays aujourd’hui développés demeurent inchangés sur le long terme. La finitude de la planète et la menace écologique matérialisée par la vulnérabilité de la nature semble de ce point de vue constituée de contraintes fortes. Il convient alors d’envisager le recours à une logique d’autolimitation comme un préalable à toute répartition des ressources environnementales entre les générations successives. Selon JONAS :

« Cela reviendrait à consentir de sévères mesures de restriction par rapport à nos habitudes de consommation débridées – afin d’abaisser le niveau de vie « occidentale » de la période récente […] Dont la voracité, avec les déjections qu’elle entraîne, apparaît particulièrement coupable des menaces qui pèsent sur l’environnement ».

Ainsi, l’éthique de futur de JONAS conduit à un changement majeur, l’obligation de l’avenir détermine l’existence d’une compensation aujourd’hui entre les générations les plus favorisées vers les moins favorisées et parallèlement détermine aussi l’effort à faire en termes de réduction de consommation pour les générations présentes les plus favorisées. Ainsi, on assiste d’un côté à une redistribution entre les générations présentes et de l’autre, au legs d’une nature préservée aux générations futures.

L’introduction de l’autolimitation dans les actions présentes, via le principe responsabilité, rend possible le respect de l’intégrité de la nature et participe ainsi à la préservation d’une vie authentiquement humaine sur terre.

Références bibliographiques :

-30 Millions d’Amis (février 2022). Les animaux, des êtres sensibles et intelligents

-Ensemble Pour Les Animaux (Juillet 2017). Sentience : un mot à connaître et employer sans modération

-Books Openedition. De Darwin au débat sur le problème de la souffrance animale

-Fondation Droit Animal (Juillet 2019). Le mot sentience entre dans le Larousse 2020

-Moodle. L’université Numérique. Cours : Environnement et Développement durable, Section

-Blogs.LeTemps (janvier 2022). Une lecture verte de l’actualité politique | Adèle Thorens

-Animal Ethics. Théories éthiques et animaux non-humains