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Pourquoi est-il urgent de protéger les forêts maintenant ?

Pourquoi est-il urgent de protéger les forêts maintenant ?

Actuellement, tous les êtres vivants sont menacés par la déforestation. Malgré une prise de conscience progressive de la valeur des arbres et des forêts depuis les années 2010, la déforestation continue à sévir. Elle a de lourdes conséquences sur le monde.

L’une des quatre priorités proposée au Sommet de la terre lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992) était une « convention mondiale sur la forêt », mais « en raison notamment de l’opposition de plusieurs pays concernés », les États l’ont transformé en une simple « Déclaration de principes sur les forêts » (de moindre valeur juridique) annexée au Rapport de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement qui contient un Chapitre 11 « Lutte contre le déboisement ».

En 2021, lors de la COP26, plus de cent dirigeants de pays qui abritent 85 % des forêts du globe s’engagent à stopper la déforestation d’ici 2030, mais les ONG environnementales regrettent que l’accord ne soit pas contraignant.

État des lieux de la déforestation

La déforestation est le phénomène de régression durable des surfaces couvertes de forêts, qu’il soit d’origine anthropique ou naturelle. Le phénomène de déforestation est souvent évoqué en lien avec celui de dégradation (fonctionnelle ou biologique) de la forêt.

La perte de surface forestière dans le monde progresse d’année en année, notamment dans les régions tropicales. En 2019, selon un rapport du Global Forest Watch, le couvert végétal des régions tropicales a diminué de 11,9 millions d’hectares, soit presque autant que l’année précédente, et 3,8 millions d’hectares de forêts primaires ont disparu, soit 200 000 hectares de plus qu’en 2018. L’année 2019 est la troisième pire année de déforestation depuis le début du siècle. Le Brésil a détruit 1,36 million d’hectares (1,3 million en 2018) ; la République démocratique du Congo et l’Indonésie occupent, comme en 2018, les deuxième et troisième places mondiales.

Selon l’évaluation des ressources forestières mondiales 2020 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 10 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année. Cela représente environ 2 400 arbres abattus chaque minute.

En 2021, l’Agence spatiale brésilienne (INPE) a enregistré 28 060 feux en Amazonie. L’institut de recherche spatial brésilien estime qu’entre 2020 et 2021, la déforestation de la forêt amazonienne a augmenté de 22 %, notamment du fait de l’exploitation forestière.

Les causes de la déforestation

Les causes principales de la déforestation actuelle sont humaines. Un rapport du député Jacques Le Guen estime que la crise forestière mondiale est avant tout une crise de surconsommation : la mondialisation de l’économie expose les forêts tropicales à la pression du marché international. La conversion actuelle des forêts tropicales pour des cultures d’exportations constitue un accaparement indirect des terres par les pays industrialisés et ceux en transition (Chine, Inde). À ces causes d’origine humaine, s’ajoutent des facteurs naturels.

Activités humaines

  • Cultures et élevage d’exportation

Ruth DeFries, professeur au Earth Institute (en) de l’Université Columbia, et son équipe ont étudié les facteurs qui peuvent avoir un impact direct sur la déforestation. À partir de caractérisations d’images satellites d’étendues forestières situées en Afrique, en Amérique latine et en Asie, ils ont mis en lumière une corrélation assez évidente entre le phénomène de la déforestation et l’expansion urbaine ainsi que l’exportation agricole dans ces régions. Selon l’analyse faite par DeFries et son équipe du Earth Institute, la croissance de la population en milieu rural n’a, à aucun moment, montré de lien évident avec la déforestation. En fait, l’amélioration continuelle des revenus des habitants dans les grandes villes, qui les poussent à consommer plus de viande, favorise grandement la déforestation, puisque davantage de terres sont consacrées à l’élevage et à la production de nourriture nécessaire pour nourrir les animaux.

Dans les années 1990, près de 70 % des zones déboisées ont été converties en terres agricoles. La déforestation en zone tropicale est causée principalement par l’élevage de bétail, la culture du tabac, du soja et du palmier à huile. En 1990, 75 % des terres déboisées, en Amazonie, étaient utilisées pour l’élevage. 16 % de la forêt amazonienne a été convertie en surface de culture pour le soja. Des effets pervers et différés existent aussi via par exemple la consommation dans les pays développés (de bétail ou de volaille, nourris par le soja cultivé au Brésil), ou le développement des agrocarburants (Brésil notamment).

Le défrichement de la forêt pour la plantation de palmiers à huile a un impact important à l’échelle mondiale, des recherches publiées en 2016 lui attribue 45 % de la déforestation en Asie du Sud-est, 31 % en Amérique du Sud (les chiffres sont moins importants en Afrique et en Amérique Centrale, 2 et 7 %), ce depuis 1989.

Dans l’État brésilien du Mato Grosso l’élevage est aujourd’hui la première cause de la déforestation, puisque 79,5% des terres déboisées y sont converties en pâtures pour le bétail, le Brésil est le premier exportateur de viande de bœuf au monde.

  • L’urbanisation et l’artificialisation des forêts

Un nombre croissant de forêts sont sous influence urbaine. Les dernières zones naturelles boisées sont de plus en plus fragmentées et mitées. Les forêts secondaires exploitées le sont aussi en raison notamment de certaines normes sylvicoles récentes et formes plus intensives d’aménagement forestier (véritables remembrements parcellaires organisés autour d’un réseau dense de voies forestières, éventuellement élargies) qui ajoutent leurs effets à ceux d’autres infrastructures (autoroutes, routes forestières…).

Des creusements de canaux et des centaines de grands barrages hydroélectriques construits depuis quelques décennies, ainsi que de nombreux travaux de drainage ou de pompage d’eau, ont aussi un impact majeur et durable sur la biodiversité forestière et la santé des arbres ; les lacs de réserve des grands barrages peuvent noyer de vastes espaces de forêt.

  • Construction de routes

Outre la déforestation nécessaire à la construction d’une route, toute l’urbanisation qui en découle aggrave la déforestation. Les populations s’installent ainsi aux abords de la voie de communication et défrichent pour obtenir de l’espace pour leurs habitations et des surfaces planes pour les cultures ou l’élevage. C’est par exemple le cas de la route interocéanique reliant le Brésil à la Bolivie, en passant par le Pérou.

  • Exploitation minière

Outre un certain déboisement, l’exploitation minière, dont l’orpaillage, provoque un empoisonnement de la terre et des eaux (ex : arsenic, cyanures, mercure et autres métaux lourds ou radionucléides…), avec des conséquences parfois durables sur la végétation : la mine de Carajás au Brésil a ainsi détruit 150 000 km² de forêt, et l’orpaillage guyanais et du Surinam empoisonne des milliers de km de cours d’eau forestiers par le mercure, jusqu’au cœur pourtant peu accessible de la jungle. Ces activités modifient souvent le cycle de l’eau via des pompages, drainages ou détournement de grandes quantités d’eau qui peuvent en priver la forêt.

  • Marché du bois

L’exploitation anarchique et illégale des ressources forestières du Sud est encouragée par les besoins locaux en bois de construction et bois de feu, mais aussi par la consommation de papier, bois et meubles ne garantissant pas une provenance légale ni une bonne gestion forestière au Nord, dont maintenant en Chine. La part de responsabilité du commerce et de l’exploitation du bois fait débat ; ainsi, la contribution directe du marché international des bois tropicaux ne serait pas dominante en termes d’impact direct en Amazonie, Asie et Afrique. ex. : Le prélèvement de bois d’exportation au Cameroun serait d’environ 1 tige/ha (soit 10 à 15 mètre cube ) par 30 ans (en Afrique il faut souvent parcourir l’équivalent de six terrains de football pour trouver un arbre intéressant pour le marché international, qui ne prélève qu’une faible part des essences tropicales, mais en contribuant néanmoins à la fragmentation forestière via les pistes nécessaires à l’exploration et au débardage, qui peuvent ensuite être utilisées pour un déboisement illégal, le brûlis, la chasse de viande de brousse, etc.

  • Bois de feu

Dans les pays en voie de développement, les trois quarts du bois servent de combustible utilisé dans des installations peu efficientes. Ceci a causé la déforestation presque totale d’Haïti. En zone sahélienne, la demande en charbon de bois est importante. Au sud de l’Afrique, plus de 140 000 hectares de terrains boisés indigènes disparaissent chaque année pour fournir du bois pour le séchage du tabac. C’est 12 % de la déforestation annuelle totale de la région.

  • Facteurs aggravant

Le non-respect des règles environnementales, ou le recul des protections traditionnelles (forêts sacrées…) exacerbent le risque de déforestation. Dans certains pays en l’absence de plan de gestion, l’exploitation est anarchique ou de grandes portions de forêt peuvent être converties à d’autres usages.

Soulignons que les conflits causent et entretiennent aussi certaines déforestations (légales ou illégales). La déforestation est source fréquente de graves violences, voire de meurtres pour les populations autochtones et ceux qui comme Chico Mendes ont voulu organiser la protection de la forêt. Les coupes illégales et le trafic de bois privent de nombreux États et communautés des revenus ou services qu’ils auraient pu en tirer. Des causes indirectes sont les guerres de pays voisins avec afflux de réfugiés en forêt, des difficultés sociales, pauvreté, l’explosion démographique, l’absence de réglementation au sein des pays concernés (qui découle en partie de l’ignorance et du désintérêt des acteurs et des consommateurs, ou de freins à la mise en place de lois forestières).

Facteurs naturels

Les maladies et les champignons sont aidés par la présence de cultures monospécifiques, voire de cultures composées d’arbres clones. En effet lorsqu’un arbre est atteint, tout le peuplement suit car chaque arbre dispose de la même vulnérabilité. La graphiose de l’Orme (Ceratocystis ulmi) est ainsi responsable de la mort de la quasi-totalité des ormes d’Europe durant les années 1980.

Les proliférations d’espèces comme les grands herbivores (favorisés par la disparition de leurs prédateurs) ou les insectes phytophages (favorisés par les cultures monospécifiques et le réchauffement climatique) peuvent être extrêmement destructrices, comme au Québec où la Tordeuse des bourgeons de l’épinette a provoqué entre 1938 et 1958 la mort de 60 % des sapins (Abies balsamea) et de 20 % des épinettes (Picea mariana et Picea glauca) bien que ces épidémies se produisent dans des forêts naturelles gigantesques et non dans des plantations monospécifiques. En 1975, 35 millions d’hectares étaient touchés. Ces épidémies sont récurrentes et font partie intégrante de la dynamique de la forêt boréale, mais on estime que le réchauffement de la planète pourrait réduire la période de temps entre deux épidémies en plus d’en augmenter les intensités. Dans le Sud de la France, les années 2003-2006 ont été très chaudes et sèches provoquant des épidémies dévastatrices dans les peuplements d’épicéas communs. Les forestiers locaux estiment que l’épicéa, introduit dans le Sud Massif Central et dans les Pyrénées dans les années 1950-60, pourrait devenir un reliquat d’ici quelques années, créant une pénurie de bois résineux dits « blancs » utiles pour la papeterie.

Les orages secs créent avec leurs éclairs et vents induits des feux de forêts spectaculaires dans les forêts boréales (Canada, États-Unis, Sibérie Orientale et Nord de la Chine) ainsi que dans les forêts tropicales sèches lors de phénomènes macroclimatiques (El Nino en Indonésie). La tempête de 1999 par exemple détruisit 160 millions de m³ de bois rien qu’en France. L’éruption volcanique du mont Saint Helens aux États-Unis provoqua la destruction massive de plusieurs dizaines de kilomètres carrés de bois.

Les conséquences de la déforestation

Les sols

La déforestation expose davantage les sols aux rigueurs du climat : le lessivage par les pluies non freinées par la végétation emporte l’humus et découvre la roche-mère. Faute de racines pour retenir le sol, les glissements de terrains sont souvent favorisés en bordure de falaise, etc.

La biodiversité

La déforestation est une destruction d’habitats de milliers d’espèces animales et végétales, souvent condamnées à localement (ou globalement) disparaître. Elle perturbe les équilibres et les assemblages d’espèces, souvent en ajoutant ses effets à ceux de l’agriculture, du roadkill ou de l’urbanisation fréquemment associées à la déforestation. C’est aussi un facteur de fragmentation écopaysagère, qui diminue la résilience écologique des forêts. La forêt est en effet le milieu terrestre qui abrite et nourrit le plus d’êtres vivants.

On distingue la « déforestation brute », où les plantations ne sont pas prises en compte, de la « déforestation nette », où celles-ci sont prises en compte, mais une forêt replantée ne remplace jamais une forêt primaire, même comme puits de carbone. Un contrôle de la déforestation nette tend à privilégier la fonction de stockage du carbone, en négligeant la perte de biodiversité induite par les destructions des forêts naturelles.

Au début du XXIᵉ siècle, les effets de la déforestation sont encore mal cernés notamment car l’extension des surfaces forestières comme celle de la déforestation ne sont pas des données scientifiquement établies et indiscutables. Le manque de cartographie précise des menaces pesant le plus sur la biodiversité a freiné les stratégies de conservation forestière.

Les modèles écologiques théoriques prédisaient néanmoins une forte diminution de la biodiversité là où les habitats deviennent plus rares, plus petits et plus fragmentés dans le paysage, avec un risque accru d’effondrement (de la biodiversité) quand ils ne comptent plus que pour 10 à 30 % de ce paysage.

En 2016, les données disponibles confirment l’intuition qu’en forêt tropicale, la biodiversité est mieux conservée dans les paysages peu fragmentés par l’homme, et quand le dérangement humain est minimal (le dérangement peut y doubler la perte de biodiversité liée à la déforestation).

Un an plus tard, la revue Nature publie un travail confirmant que le recul mondial de la forêt naturelle érode de manière « disproportionnée » la biodiversité. Les dernières paysages et forêts intacts devraient être protégés concluent les auteurs. Cette étude s’est basée sur les données les plus récentes disponibles sur les modifications du couvert forestier mondial pour étudier les conséquences du recul de la forêt naturelle ou semi-naturelle sur 19 432 espèces de vertébrés du monde entier figurant dans la Liste rouge UICN des espèces menacées à court ou moyen terme. Sans surprise, là où le couvert forestier recule, les risques qu’une espèce soit classée comme menacée, qu’elle figure dans une catégorie de menace plus élevée et qu’elle présente des populations en déclin augmentent « considérablement ». Un élément nouveau et important est que cette étude montre que ce risque est « disproportionné » dans des paysages relativement intacts et en particulier dans les hot-spots de biodiversité que sont les immenses massifs forestiers tropicaux de Bornéo, d’Amazonie centrale et Forêt du bassin du Congo. Partout où des chercheurs ont porté leur regard, même une très faible déforestation (routes, pistes forestières, aires de stockage, petite urbanisation…) a eu de graves conséquences pour la biodiversité des vertébrés (et très probablement donc pour d’autres espèces qui en dépendent). Les auteurs soulignent qu’ils n’ont pas trouvé d’éléments significatifs en faveur de l’idée reçue qui est que la perte de forêt serait la plus grave et la plus préjudiciable dans les paysages déjà fragmentés. Pour les 3 plus grandes forêts tropicales (de Bornéo, d’Amazonie centrale et du bassin du Congo), au rythme actuel de leur dégradation, une modélisation prédit que rien que pour les vertébrés, 121 à 219 autres espèces rejoindront la liste des espèces menacées dans les 30 prochaines années, et les effets du changement climatique pourraient aggraver les choses, de même que la dette d’extinction. Or l’artificialisation du monde s’aggrave rapidement et seules 17,9 % de ces trois zones sont actuellement formellement protégées et moins de la moitié (8,9 %) ont une protection stricte. De nouveaux efforts de conservation et de restauration de l’intégrité écologique des forêts sont urgemment à mettre en œuvre à grande échelle « pour éviter une nouvelle vague d’extinction globale ».

Le cycle de l’eau

Les forêts participent activement au cycle de l’eau, dont via l’évapotranspiration et l’infiltration vers les nappes. Les forêts contribuent même plus que tout le reste de la flore au phénomène d’évapotranspiration, qui influence la pluviométrie et ce qu’on appelle les « hydroclimats ». Ce sont elles qui entretiennent une hygrométrie élevée, parfois constante, dans les zones tropicales humides, ce qui est une condition favorable à une très haute biodiversité. Leurs racines vont chercher l’eau jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, ou de distance et facilitent l’infiltration des pluies.

La pluviométrie et le climat

Depuis les années 1980, de nombreux modèles et simulations informatiques laissaient penser que la déforestation récente et actuelle réduit fortement la pluviométrie (théorie « dessicationniste »). Les forêts tropicales interceptent 50 % environ de la pluie. Cette eau est acheminée vers les nappes ou rendue à l’atmosphère via l’évapotranspiration qui contribue à recharger l’atmosphère en humidité, source de nouvelles pluies (« Sur plus de 60 % des zones tropicales terrestres, l’air qui a circulé sur une zone extensivement végétalisée dans les quelques jours qui précèdent, produit au moins deux fois plus de pluie que de l’air ayant circulé sur une zone peu végétalisée »).

Sur cette base, on peut estimer qu’au rythme actuel de conversion des forêts, le bassin de l’Amazone (l’un des plus grands du monde) pourrait subir une perte d’environ 12 % de sa pluviométrie en saison des pluies, et une baisse de 21 % en saison sèche en 2050. Et il faut s’attendre à ce que des réductions s’étendent jusqu’au bassin hydrographique du Río de la Plata à des milliers de kilomètres au sud de l’Amazonie, dans le sud du Brésil, au nord de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay. Si le Brésil respecte son engagement à limiter les taux « historiques » de déboisements (de 80 %) d’ici l’an 2020, ces prévisions pourraient cependant être revues à la baisse.

Les catastrophes naturelles

Une moindre pluviométrie augmente les risques d’incendies. De plus, sur les pentes, même faibles, la déforestation aggrave les glissements de terrains, avalanches et coulées de boues, augmente la turbidité et la pollution des cours d’eau, au détriment de la plupart des espèces animales et végétales, jusqu’à l’estuaire et au-delà. L’humus forestier fixe dans ses complexes argilo-humiques de nombreux métaux lourds et polluants (dont eutrophisants naturels). Il limite le ruissellement et l’érosion en favorisant l’infiltration d’une eau épurée vers les nappes. Sa disparition aggrave les problèmes d’inondations, de sécheresse, et de pollution de l’eau. L’eau « filtrée » par les forêts alluviales alimente aussi certains fleuves : 30 mètres de forêt riveraine retiennent la quasi-totalité des nitrates agricoles. La déforestation augmente encore les problèmes de manque d’eau potable. C’est pourquoi de nombreuses législations ont créé des forêts dites « de protection », théoriquement intouchables.

Les coûts financiers et humains

Les dégâts induits par la déforestation (dont crues, inondations et coulées de boue) sont de plus en plus coûteux et dévastateurs et ils pourraient être aggravés par le dérèglement climatique.

Les sédiments emportés et pollués doivent être coûteusement curés et stockés, en posant des problèmes de gestion jusque dans les estuaires et en mer où elles exacerbent les phénomènes de zones mortes.

L’eau qui ruisselle emporte avec elle le sol, qui se retrouve dans le lit et l’embouchure des rivières. La rivière encombrée étend donc son lit, aggravant encore les inondations et provoquant des coulées de boue meurtrières, comme ce fut le cas en Chine qui a compris à ses dépens l’utilité des forêts. La déforestation en Chine est stoppée et des dizaines de milliers d’hectares sont reboisés, mais le problème a été simplement déplacé car la Chine est devenue un des plus grands importateurs de bois tropicaux et européens.

La désertification menace 900 millions de personnes (dont 450 000 paysans dans le sud-ouest de Chine) et touche 3,5 milliards d’hectares, soit le quart des terres émergées.

L’émergence de nouvelles maladies infectieuses est liée aux activités humaines perturbant l’équilibre des écosystèmes. Par exemple, l’Institut de recherche pour le développement indique que « le déboisement des forêts primaires reste l’une des causes principales de l’apparition de nouveaux agents infectieux et de leur circulation épidémique dans les populations humaines ». En effet, les forêts jouent un rôle essentiel pour la biodiversité terrestre, élément stabilisateur des agents pathogènes.

La déforestation expose davantage l’humanité à de nouveaux virus. Ainsi, les espèces de moustiques vecteurs d’agents pathogènes humains sont deux fois plus nombreuses dans les zones déboisées que dans les forêts restées intactes. La déforestation contraint aussi les chauves-souris à migrer et à se rapprocher des habitations, favorisant les risques de transmission de maladies.

Le climat

La déforestation provoque :

  • Une modification du climat mondial et local. La forêt interagit avec le climat via le cycle du carbone, mais elle le fait aussi via les flux d’énergie (albédo) et d’eau (évapotranspiration/stockage/infiltration) entre la terre et l’atmosphère. La flore évapotranspire en rafraichissant l’air. Elle absorbe la lumière et une part de la chaleur, là où un sol nu et clair renvoie l’énergie du soleil vers l’atmosphère (albédo). La température ambiante peut croitre de 10 °C après une déforestation en zone tropicale, réchauffement qui modifie la pression atmosphérique, qui elle-même influe sur le déplacement des masses d’air et des cellules de tempêtes. Il peut aggraver des phénomènes de désertification ou de salinisation et modifier des cycles pluviométriques à échelle régionale, voire mondiale, provoquant sécheresse et inondations anormales. La déforestation, en diminuant l’évapotranspiration, pourrait diminuer les précipitations en Amazonie.
  • Une modification du cycle du carbone et des puits et stocks de carbone. La biomasse forestière emmagasinait de 1990 à 2005 environ 283 Gigatonnes (Gt) de carbone, mais avec une diminution enregistrée à l’échelle mondiale de 1,1 Gt par an. La somme des stocks de carbone de la biomasse forestière, du bois-mort, de litière et de l’humus et du sol est supérieure de 50 % au carbone présent dans toute l’atmosphère. Si les forêts représentent 40 % de la quantité de carbone de la biomasse sur Terre, on comprend que leur dégradation puisse faire doubler le taux de CO2 de l’atmosphère. Bien que les arbres absorbent jusqu’à 20 % de CO2 en plus du fait même de l’augmentation du taux de CO2 atmosphérique, la déforestation rejette 1,1 Gt de carbone chaque année. L’effet sur le réchauffement climatique est donc considérable. Une part importante du carbone est stockée dans les sols forestiers (en zone tempérée notamment). La déforestation peut causer l’érosion ou la dégradation de ces puits de carbone. Quand la déforestation se fait en incendiant les arbres, le stock de carbone constitué par les arbres sur pied, est en grande partie (hors cendres et charbon de bois) directement renvoyé dans l’atmosphère. En 2016, après avoir croisé les données de réchauffement avec les données satellitales de déforestation, Alkama et Cescatti ont conclu que la déforestation accroit bien les variations diurnes de la température, augmente les températures moyennes et maximales de l’air, et provoque un réchauffement important (lié aux émissions de CO2 résultant du changement d’affectation des sols). Ces effets sont les plus marqués en zone aride puis en zone tempéré, puis tropicale et boréale. Sur la période 2003-2012 la variation du couvert forestier aurait ainsi généré un réchauffement biophysique moyen des terres correspondant à environ 18 % du signal biogéochimique mondial dû aux émissions de CO2 résultant du changement d’affectation des sols.

Les activités humaines

Une étude scientifique rapporte que la déforestation n’améliore l’Indice de développement humain (IDH) des populations que temporairement, elle entraîne un déclin de productivité des activités économiques à cause, par exemple, de l’épuisement des ressources en bois ou la dégradation des pâturages. En Amérique du Sud, notamment au Brésil, les populations locales sont menacées par la déforestation dans leur mode de vie traditionnel. Disparition de patrimoines culturels liés à la forêt, et souvent la mort des populations autochtones : au XXᵉ siècle, au moins 90 tribus dépendantes de la forêt ont disparu avec leur langue, leur savoir et leur culture.

L’économie forestière, mais aussi rurale sont détruites là où la désertification ou les plantations industrielles suivent la déforestation. La déforestation au profit des cultures industrielles de tabac, de soja ou de palmier à huile entraîne, outre un effondrement de la biodiversité, de graves problèmes sociaux et culturels. Dans les pays où le tourisme est la principale source de revenus, le recul de la forêt peut le compromettre.

Les conséquences sanitaires pour les populations locales

Une étude scientifique publiée par l’American society of tropical medicine and hygiene (en) rapporte que la déforestation a un lien direct avec la propagation du paludisme dans l’Amazonie péruvienne. Partant du constat que, dans les zones déboisées, le taux de moustiques porteurs de la malaria est 278 fois supérieur à celui relevé dans les zones boisées, cette étude montre que le nombre de moustiques contaminés est inversement proportionnel à la densité de boisement de la zone où ils évoluent. La déforestation amènerait donc un risque sanitaire supplémentaire aux populations vivant à proximité des zones déboisées.

De plus, une autre étude de l’université McGill de Montréal rapporte que les méthodes d’extraction pétrolières, la construction de routes ainsi que l’urbanisation qui provoquent la déforestation auraient pour conséquence de libérer du mercure et de l’1-hydroxypyrene dans les cours d’eau. Une fois ces poisons libérés dans l’eau, ils seraient absorbés par les poissons dont se nourrissent les populations vivant aux abords de ces cours d’eau. Ces populations absorberaient donc des taux de mercure et d’1-hydroxypyrene dépassant les taux maximaux recommandés par l’Organisation Mondiales de la Santé.

L’émergence de nouvelles pathologies

Une étude de chercheurs de l’université de Hawaï effectue l’inventaire des nouvelles maladies infectieuses associées aux forêts et de leurs mécanismes d’émergence, notamment la déforestation : « D’après un nombre croissant d’études spécialisées, les principaux facteurs contribuant à la prolifération des maladies infectieuses seraient les changements dans le couvert végétal et l’utilisation des terres, notamment les variations du couvert forestier (en particulier la déforestation et la fragmentation des forêts), ainsi que l’urbanisation et l’intensification de l’agriculture. »

En effet, une fois les animaux qu’ils parasitent décimés par la destruction de leur habitat naturel, les virus se cherchent de nouveaux hôtes en migrant à leur tour. Et il arrive que des virus initialement non mortels pour les animaux de la forêt se révèlent mortels pour les humains sur lesquels ils sont brutalement contraints de migrer.

« Les premiers pathogènes responsables de fléaux tels que la variole seraient nés en Asie tropicale, au début de l’histoire de l’élevage et lorsque les forêts ont commencé à être défrichées à grande échelle, au profit de cultures permanentes et d’établissements humains (McNeil, 1976). La densité et la promiscuité croissantes des hommes, des animaux domestiques et de la faune sauvage, ajoutées à un climat chaud et humide, étaient des conditions idéales pour l’évolution, la survie et la transmission des pathogènes, il y a plusieurs millénaires comme aujourd’hui. »

S’ajoutant à d’autres facteurs, cet enchaînement pourrait être à l’origine par exemple de l’apparition du virus Ebola dans des régions d’Afrique où la déforestation est intensive depuis plusieurs décennies.

Les solutions de la déforestation

-Sensibiliser l’humanité sur le sujet et lui donner les moyens pour la protection des forêts ;

-Abolir l’élevage intensif et l’agriculture intensive ;

– Aider l’humanité à adopter l’alimentation végétale ;

-Voter et atteindre la loi Zéro déforestation dans le monde ;

– Préserver les forêts légalement ;

– Opter pour la gestion durable des forêts ;

-Promouvoir le reboisement et la reforestation ;

-Amener les entreprises à accepter et signer des chartes pour préserver les forêts au maximum et les utiliser de manière durable ;

– Lutter contre la déforestation « importée » ;

-Voter des lois pénales pour mettre fin à la corruption dans les exploitations forestières ;

-Signer les pétitions et soutenir les associations de défense des forêts.

Références bibliographiques :

Wikipédia (janvier 2022). Déforestation

– All4trees.Quelles sont les conséquences de la déforestation ?

– International Animal Rescue. Orangutan